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nous le souhaiterions : les uns font sur notre âme une impression nécessaire de plaisir ; d’autres nous déplaisent nécessairement ; tout le pouvoir de notre volonté se réduit à rechercher la première sorte d’objets et à fuir l’autre : c’est la constitution même de notre nature, quelquefois individuelle, qui nous rend les uns agréables et les autres désagréables. (Voy. Peine et plaisir[1].)

2º Il n’est peut-être aucun objet qui puisse affecter notre âme, sans lui être plus ou moins une occasion nécessaire de plaisir ou de déplaisir. Une figure, un ouvrage d’architecture ou de peinture, une composition de musique, une action, un sentiment, un caractère, une expression, un discours, toutes ces choses nous plaisent ou nous déplaisent de quelque manière. Nous sentons que le plaisir ou le déplaisir s’excite nécessairement par la contemplation de l’idée qui se présente alors à notre esprit avec toutes ses circonstances. Cette impression se fait, quoiqu’il n’y ait rien dans quelques-unes de ces idées de ce qu’on appelle ordinairement perceptions sensibles, et dans celles qui viennent des sens, le plaisir ou le déplaisir qui les accompagne, naît de l’ordre ou du désordre, de l’arrangement ou défaut de symétrie, de l’imitation ou de la bizarrerie qu’on remarque dans les objets, et non des idées simples de la couleur, du son et de l’étendue, considérées solidairement.

3º Cela posé, j’appelle, dit M. Hutcheson, du nom de sens internes, ces déterminations de l’âme à se plaire ou à se déplaire à certaines formes ou à certaines idées, quand elle les considère ; et pour distinguer les sens internes des facultés corporelles connues sous ce nom, j’appelle sens interne du beau, la faculté qui discerne le beau dans la régularité, l’ordre et l’harmonie ; et sens interne du bon, celle qui approuve les affections, les actions, les caractères des agents raisonnables et vertueux.

4º Comme les déterminations de l’âme à se plaire ou à se déplaire à certaines formes ou à certaines idées, quand elle les considère, s’observent dans tous les hommes, à moins qu’ils ne soient stupides ; sans rechercher encore ce que c’est que le

  1. Ces notes renvoient à l’Encyclopédie.