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14. l’harmonie.


Ma foi, je ne sais ce que c’est.


15. une bacchante endormie.


Je me la rappelle fort bien. C’est une grande nudité de femme ivre, âgée, chairs molles, gorge flétrie, ventre affaissé, cuisses plates, hanches élevées, fade de couleur, mal dessinée, surtout par les jambes ; moulue, dont les membres vont se détacher incessamment ; usée par la débauche des hommes et du vin. Dormez, personne ne sera tenté d’abuser de votre état et de votre sommeil.

Quand on choisit de ces natures-là, il faut en sauver le dégoût par une exécution supérieure, et c’est ce que M. le chevalier Pierre n’a pas fait. Vulcain est la plus hideuse figure de l’Odyssée et la plus fortement peinte ; le Polyphème de Virgile fait horreur, mais il est beau. Il ne faut plus compter Pierre parmi nos bons artistes.


VIEN.


Le triste et plat métier que celui de critique ! Il est si difficile de produire une chose même médiocre ; il est si facile de sentir la médiocrité ! Et puis, toujours ramasser des ordures, comme Fréron ou ceux qui se promènent dans nos rues avec des tombereaux. Dieu soit loué ! voici un homme dont on peut dire du bien et presque sans réserve. L’image la plus favorable sous laquelle on puisse envisager un critique est celle de ces gueux qui s’en vont avec un bâtonnet à la main remuer les sables de nos rivières pour y découvrir une paillette d’or. Ce n’est pas là le métier d’un homme riche.

Les tableaux que Vien a exposés cette année sont tous du même genre, et comme ils ont presque tous le même mérite, il n’y a qu’un seul éloge à en faire : c’est l’élégance des formes, la grâce, l’ingénuité, l’innocence, la délicatesse, la simplicité, et tout cela joint à la pureté du dessin, à la belle couleur, à la mollesse et à la vérité des chairs.