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RÉCAPITULATION.


Jamais nous n’avons eu un plus beau Salon. Presque aucun tableau absolument mauvais ; plus de bons que de médiocres, et un grand nombre d’excellents. Comptez le Portrait du Roi par Michel Van Loo ; la Madeleine dans le désert, et la Lecture par Carle ; le Saint Germain qui donne une médaille à sainte Geneviève, par Vien ; le Saint André de Deshays, son Saint Victor, son Saint Benoît près de mourir ; le Socrate condamné de Challe ; le Bénédicité de Chardin ; le Soleil couchant de Le Bel ; les deux Vues de Bayonne, malgré leur peu d’effet ; le Diomède de Doyen ; le Jeune Élève de Drouais ; la Blanchisseuse, le Paralytique, le Fermier brûlé, le Portrait de Babuti par Greuze ; le Crucifix de bronze de Roland de la Porte, et d’autres qui ont pu m’échapper ; et cette étonnante Bataille de Casanove.

On ne peint plus en Flandre. S’il y a des peintres en Italie et en Allemagne, ils sont moins réunis ; ils ont moins d’émulation et moins d’encouragements. La France est donc la seule contrée où cet art se soutienne, et même avec quelque éclat.


Enfin je l’ai vu, ce tableau de notre ami Greuze ; mais ce n’a pas été sans peine ; il continue d’attirer la foule. C’est Un Père qui vient de payer la dot de sa fille[1]. Le sujet est pathétique, et l’on se sent gagner d’une émotion douce en le regardant. La composition m’en a paru très-belle : c’est la chose comme elle a dû se passer. Il y a douze figures ; chacune est à sa place, et fait ce qu’elle doit. Comme elles s’enchaînent toutes ! comme elles vont en ondoyant et en pyramidant ! Je me moque de ces conditions ; cependant quand elles se rencontrent dans un morceau de peinture par hasard, sans que le

  1. Il s’agit de l’Accordée de village, dont on connaît plusieurs répétitions, et qui a été gravée par Flipart. Commandé par Randon de Boisset, qui le céda au marquis de Marigny, moyennant la somme de 9,000 livres, ce tableau fut acheté en 1782 à la vente de ce dernier par Joullain 16,650 livres pour le Cabinet du Roi. Il se trouve actuellement sous le no 260 de l’École française au musée du Louvre.