Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, X.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

machines que les Italiens appellent opera da stupire. Une tête féconde et hardie aurait ouvert le gouffre de feu au bas de son tableau ; il en eût occupé toute l’étendue et toute la profondeur. Là, on aurait vu des hommes et des femmes de tout âge et de tout état ; toutes les espèces de douleurs et de passions, une infinité d’actions diverses ; des âmes emportées, d’autres qui seraient retombées ; celles-ci se seraient élancées, celles-là auraient tendu les mains et les bras ; on eût entendu mille gémissements. Le ciel, représenté au-dessus, aurait reçu les âmes délivrées. Elles auraient été présentées à la gloire éternelle par des anges qu’on aurait vus monter et descendre, et se plonger dans le gouffre, dont les flammes dévorantes les auraient respectés. Avant que de prendre son pinceau, il faut avoir frissonné vingt fois de son sujet, avoir perdu le sommeil, s’être levé pendant la nuit, et avoir couru en chemise et pieds nus jeter sur le papier ses esquisses à la lueur d’une lampe de nuit.




SCULPTURE.


Autant cette année la peinture est riche au Salon, autant la sculpture y est pauvre. Beaucoup de bustes, peu de frappants. Les deux premiers sculpteurs de la nation, Bouchardon et Pigalle, n’ont rien fourni. Ils sont entièrement occupés de grandes machines.


LE MOYNE[1].


Par Le Moyne, le buste de Mme de Pompadour, rien ; celui de Mlle Clairon, rien ; d’une Jeune Fille, rien. Ceux de Crébillon et de Restout valent mieux.

  1. Jean-Baptiste Le Moyne, né à Paris le 15 février 1704, élève de son père ; académicien en 1738. Il était, en 1761, adjoint à recteur. Il mourut au Louvre le 24 mai 1778.