Le Soleil couchant[2] de M. Le Bel arrêtera l’attention de tous ceux qui aiment le Claude Lorrain. M. Le Bel a très-bien rendu un effet de nature très-difficile à rendre ; c’est l’affaiblissement et la couleur de lumière du soleil, lorsqu’elle s’élance à travers les vapeurs dont l’atmosphère est quelquefois chargée à l’horizon. Le brouillard éclairé est palpable dans ce morceau. Il a de la profondeur ; il s’élève de dessus la toile ; l’œil s’y enfonce. Celui qui a vu une fois le soleil rougeâtre, obscurci, n’éclairant fortement qu’un endroit, se lever ou se coucher par un temps nébuleux, reconnaîtra ce phénomène dans le morceau de M. Le Bel. L’éloge détaillé que nous faisons de son tableau, qui n’a été remarqué par personne, prouvera au moins que nous avons bien plus de plaisir à louer qu’à reprendre.
Je ne sais ce que c’est que la Petite Chapelle[3] sur le chemin de Conflans. Pour le morceau où l’on voit l’intérieur d’une cour de village[4], cela est si faible, si uni, si léché, qu’on croirait que c’est une copie. Ce n’est pas là Teniers ; ce n’est pas même notre Genevois. J’aime mieux regarder sa découpure de la basse-cour au travers d’un verre, que le tableau de M. Le Bel. L’un est froid, et l’autre a de l’invention, de la chaleur et du mouvement.
Personne n’a remarqué le Retour de Chasse[6] d’Oudry, ni son Chat sauvage pris au piége[7]. Le véritable Oudry est mort il y a quelques années. C’était le premier peintre de notre école pour les tableaux d’animaux, et il n’est pas encore remplacé.
- ↑ Antoine Le Bel (1709-1793) était académicien depuis 1746.
- ↑ Tableau de 4 pieds 4 pouces de large sur 3 pieds pouces de haut ; no 53.
- ↑ Tableau de 3 pieds 3 pouces de hauteur sur 2 pieds 3 pouces de largeur ; no 54.
- ↑ No.
- ↑ Jacques-Charles Oudry, fils de Jacques, né à Paris en 1720, mort à Lausanne en 1778, était académicien depuis 1748 et avait le titre de premier peintre du prince Charles de Lorraine.
- ↑ Tableau de 4 pieds sur 3 ; no 56.
- ↑ Tableau de 3 pieds de large sur 2 pieds 6 pouces de haut ; no 57.