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des mains. Il travaille comme un homme du monde qui a du talent, de la facilité, et qui se contente d’esquisser sa pensée en quatre coups de pinceau. Il s’est mis à la tête des peintres négligés, après voir fait un grand nombre de morceaux qui lui ont mérité une place distinguée parmi les artistes de la première classe. Chardin est homme d’esprit, et personne peut-être ne parle mieux que lui de la peinture. Son tableau de réception[1], qui est à l’Académie, prouve qu’il a entendu la magie des couleurs. Il a répandu cette magie dans quelques autres compositions, où se trouvant jointe au dessin, à l’invention et à une extrême vérité, tant de qualités réunies en font dès à présent des morceaux d’un grand prix. Chardin a de l’originalité dans son genre. Cette originalité passe de sa peinture dans la gravure. Quand on a vu un de ses tableaux, on ne s’y trompe plus ; on le reconnaît partout. Voyez sa Gouvernante avec ses enfants, et vous aurez vu son Benedicite.


LA TOUR.


Les pastels de M. de La Tour sont toujours comme il les sait faire. Parmi ceux qu’il a exposés cette année, le portrait du vieux Crébillon à la romaine, la tête nue, et celui de M. Laideguive, notaire, ajouteront beaucoup à sa réputation[2].


FRANCISQUE MILLET[3].


Je ne sais ce que c’est que le Saint Roch[4] de Millet, ni moi ni personne. On a caché le Repos de la Vierge[5] dans un endroit opposé au jour, où il est impossible de l’apercevoir ; et c’est vraisemblablement un bon office de M. Chardin, qui a ordonné cette année le Salon. Les petits Paysages de Millet sont confondus avec un grand nombre d’autres du même genre qui ne sont pas sans mérite, et qu’on ne serait ni fâché ni vain de posséder.

  1. Connu sous le titre de la Raie : est au Louvre sous le no 96.
  2. Tous les pastels de La Tour étaient réunis au livret sous le même numéro : 47. Le portrait de Crébillon se trouve au musée de Saint-Quentin.
  3. Petit-fils (?) du peintre anversois Francisque Millet (1644-1680), mort à Versailles en 1777. Il était académicien en 1761.
  4. Tableau de 8 pieds pouces de haut sur 4 de large ; no 48. Pour l’église Saint-Louis, de Versailles.
  5. Tableau de 4 pieds de large sur 3 de haut ; no 49.