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attendre que ce morceau soit décroché et mis sur le chevalet pour confirmer ou rétracter ce jugement. S’il se soutient de près, nous nous écrierons tous : Comment est-il arrivé à Challe de faire une belle chose ?

La Cléopâtre se meurt, et le serpent est encore sur son sein. Que fait là ce serpent ? Mais s’il eût été bien loin, comme le choix du moment l’exigeait, qui est-ce qui aurait reconnu Cléopâtre ? C’est que le choix du moment est vicieux. Il fallait prendre celui où cette femme altière, déterminée à tromper l’orgueil romain qui la destinait à orner un triomphe, se découvre la gorge, sourit au serpent, mais de ce souris dédaigneux qui retombe sur le vainqueur auquel elle va échapper et se fait mordre le sein. Peut-être l’expression eût-elle été plus terrible et plus forte si elle eût souri au serpent attaché à son sein. Celle de la douleur serait misérable, celle du désespoir commune. Le choix du moment où elle expire ne donne pas une Cléopâtre, il ne donne qu’une femme expirante par la morsure d’un serpent. Ce n’est plus l’histoire de la reine d’Alexandrie, c’est un accident de la vie.

Je ne sais ce que c’est que ce Guerrier qui raconte ses aventures, je ne l’ai point vu ; mais je voudrais bien voir de près le Socrate condamné.


CHARDIN.


On a de Chardin un Benedicite[1], des Animaux[2], des Vanneaux[3], quelques autres morceaux. C’est toujours une imitation très-fidèle de la nature, avec le faire qui est propre à cet artiste ; un faire rude et comme heurté ; une nature basse, commune et domestique. Il y a longtemps que ce peintre ne finit plus rien ; il ne se donne plus la peine de faire des pieds et

  1. No, Répétition du tableau du Louvre (no 99), mais avec des changements. Il appartenait à M. Fortier, notaire. Vendu 900 livres à sa vente en 1770. Chardin avait déjà fait une première étude de ce sujet en 1746. Celle-ci paraît être la toile qui a été exposée en 1860, au profit de la Caisse de secours des artistes (Catalogue rédigé par M. Ph. Burty), et qui appartenait alors à M. Eudoxe Marcille ; si ce n’est celle de la collection Lacaze, vendue vente Denon (1826) 219 fr. 95 cent, et vente Saint (1846) 501 fr. Gravé par Lépicié.
  2. No. Plusieurs tableaux appartenant à M. Aved, conseiller à l’Académie.
  3. No. Ils appartenaient à M. Silvestre, maître à dessiner du roi.