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que nous n’en serons pas réduits à cette extrême et dernière ressource.

LE PÈRE. Quand j’en croirais à cette voix, échappés pour la quatrième fois à la misère du moment, un jour, un autre jour…

LA MÈRE. La bonté de Dieu est la même tous les jours.

LE PÈRE. Si tu me perds, que deviendras-tu ? que deviendront tes enfants ?

LA MÈRE. Je l’ignore, mais Dieu le sait. Je sais que quand je les mis au monde je les dévouai au travail et à la peine, et les recommandai à la bienveillance de Celui qui pourvoit à la conservation de tout ce qui nous entoure. Qui est-ce qui a appris à la racine délicate à chercher sa nourriture entre les cailloux ? Le rocher tombe en ruine, et la mousse croît et prospère sur ses débris.

LE PERE, en se jetant entre les bras de sa femme. ma femme ! mon père, où es-tu ? Pourquoi n’es-tu pas là pour entendre celle que ta dureté a condamnée à périr ici !

LA MÈRE. Respecte ton père, plains-le ; et si tu fais quelque cas de l’innocence et de la justice, crois que son sort est plus fâcheux que le nôtre.

LE PÈRE. À l’heure qu’il est, il dort, et tu gémis.

LA MÈRE. À l’heure qu’il est, peut-être il veille et s’accuse.

LE PÈRE. Ah ! si je le croyais !