Eh bien, puisqu’il faut vous le dire, son ouvrage, écrit d’un style tourmenté, obscur, entortillé, boursouflé, est plein d’idées communes. Au sortir de cette lecture, un grand comédien n’en sera pas meilleur, et un pauvre acteur n’en sera pas moins mauvais. C’est à la nature à donner les qualités de la personne, la figure, la voix, le jugement, la finesse. C’est à l’étude des grands modèles, à la connaissance du cœur humain, à l’usage du monde, au travail assidu, à l’expérience, et à l’habitude du théâtre, à perfectionner le don de nature. Le comédien imitateur peut arriver au point de rendre tout passablement ; il n’y a rien ni à louer, ni à reprendre dans son jeu.
Ou tout est à reprendre.
Comme vous voudrez. Le comédien de nature est souvent détestable, quelquefois excellent. En quelque genre que ce soit, méfiez-vous d’une médiocrité soutenue. Avec quelque rigueur qu’un débutant soit traité, il est facile de pressentir ses succès à venir. Les huées n’étouffent que les ineptes. Et comment la nature sans l’art formerait-elle un grand comédien, puisque rien ne se passe exactement sur la scène comme en nature, et que les poèmes dramatiques sont tous composés d’après un certain système de principes ? Et comment un rôle serait-il joué de la même manière par deux acteurs différents, puisque dans l’écrivain le plus clair, le plus précis, le plus énergique, les mots ne sont et ne peuvent être que des signes approchés d’une pensée, d’un sentiment, d’une idée ; signes dont le mouvement, le geste, le ton, le visage, les yeux, la circonstance donnée, complètent la valeur ? Lorsque vous avez entendu ces mots :
… Que fait là votre main ?
— Je tâte votre habit, l’étoffe en est moelleuse.
Que savez-vous ? Rien. Pesez bien ce qui suit, et concevez combien il est fréquent et facile à deux interlocuteurs, en employant les mêmes expressions, d’avoir pensé et de dire des choses tout à fait différentes. L’exemple que je vous en vais