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Monsieur Hardouin, à madame de Vertillac.

Je n’ai pas trop mémoire de tout cela. Monsieur de Crancey, ne vous ai-je pas écrit ? Ne m’avez-vous pas répondu ?

Madame de Vertillac.

Vous avez eu avec moi un procédé auquel on ne sait quel nom donner ; celui d’abominable est trop doux. Jamais un homme honnête s’est-il permis de pareils expédients ?

Monsieur Hardouin.

Les circonstances et le caractère des personnes n’en laissent pas toujours le choix.

Monsieur des Renardeaux.

Qu’a-t-il donc fait à celle-ci ?

Madame Bertrand.

Il ne lui aura pas fait pis qu’à moi ; je l’en défie.

Madame de Vertillac.

Il me traduit mon enfant comme une fille sans mœurs.

Monsieur des Renardeaux.

Diable !

Madame de Vertillac.

Il me met dans l’alternative ou de perdre une portion considérable de ma fortune, ou de disposer de la main de ma fille à son gré.

Monsieur des Renardeaux.

Diable !

Madame de Vertillac.

Il fait pis : il m’humilie ; après m’avoir plongé un poignard dans le cœur, il s’amuse gaiement à le tourner… Éloignez-vous, monsieur ; éloignez-vous au plus vite, vous entendriez de moi des choses que je serais peut-être honteuse de vous avoir dites.

Monsieur Hardouin.

Voilà l’histoire du moment, mais c’est au temps que j’en appelle. J’ai causé une peine cruelle à madame, j’en conviens ; mais j’en ai fait cesser une longue et plus cruelle ; j’en appelle à M. de Crancey et à mademoiselle, voilà mes juges. J’ai ramené madame à l’équité et à sa bonté naturelle ; et sous quelque face que mon procédé soit considéré, s’il en résultait à