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Monsieur Hardouin.

Oui, j’ai bien lu, et réversible sur la tête de votre fils.

Madame Bertrand.

La force me manque, permettez que je m’asseye ; monsieur, un verre d’eau, je me trouve mal.

Monsieur Hardouin, vers la coulisse.

Vite un verre d’eau. (Cependant M. Hardouin écarte le mantelet de madame Bertrand et la met un peu en désordre.)

Madame Bertrand, toujours assise.

J’ai donc enfin de quoi subsister ! Mon enfant, mon pauvre enfant ne manquera ni d’éducation ni de pain ! Et c’est à vous, monsieur, que je le dois ! Pardonnez, monsieur, je ne saurais parler, la violence de mon sentiment m’embarrasse la voix. Je me tais, mais regardez, voyez et jugez. (Madame Bertrand ne s’aperçoit qu’alors de son désordre.)

Monsieur Hardouin.

Vous n’avez jamais été de votre vie aussi touchante et aussi belle. Ah ! que celui qui vous voit dans ce moment est heureux, j’ai presque dit est à plaindre de vous avoir servie !

Madame Bertrand.

Me permettrez-vous d’attendre ici M. Poultier ?

Monsieur Hardouin.

Il faut faire mieux. Cet enfant deviendra grand ; qui sait si quelque jour il n’aura pas besoin de la faveur du ministre et des bons offices du premier commis ? Mon avis serait que vous allassiez le chercher et que vous le présentassiez à M. Poultier.

Madame Bertrand.

Vous avez raison, monsieur. À ce sang-froid qui vous permet de penser à tout, il est aisé de voir que l’exercice de la bienfaisance vous est familier. Je cours prendre mon enfant. Comme je vais le baiser ! Si je ne vous apparais pas dans un quart d’heure, c’est que je serai morte de joie.

Monsieur Hardouin, lui offrant le bras.

Permettez, madame…

Madame Bertrand.

Non, monsieur, non ; je me sens beaucoup mieux.

Monsieur Hardouin, vers la coulisse.

Donnez le bras à madame jusqu’à sa voiture.