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Madame Bertrand.

Tout en est plein ; mais ce n’est rien que cela, j’ai trouvé des gens pires que ceux dont je viens de vous parler. On n’ose dire à quel prix ils mettent leurs services ; cela fait horreur.

Monsieur Hardouin.

Malgré leur peu de délicatesse, je les conçois plus aisément.

Madame Bertrand.

En vérité, monsieur, vous êtes presque le seul bienfaiteur honnête que j’aie rencontré.

Monsieur Hardouin.

Hélas ! madame, peu s’en faut que je ne rougisse de votre éloge.

Madame Bertrand.

Non, monsieur, sans flatterie, tel on vous avait peint à moi, tel je vous ai trouvé.

Monsieur Hardouin.

Ce sont mes amis qui vous ont parlé, et l’amitié est sujette à s’aveugler et à surfaire. S’ils avaient été vrais, ou plutôt s’ils m’avaient connu comme je me connais, voici ce qu’ils vous auraient dit : « Hardouin a l’âme sensible ; lui présenter une occasion de faire le bien, c’est l’obliger ; et s’il avait eu le bonheur d’être utile à une femme pour laquelle il s’avouât du penchant, il craindrait tellement de flétrir un bienfait, que cette considération suffirait pour le réduire à un très-long silence. »

Madame Bertrand.

Oserais-je, monsieur, vous faire une question ? J’ai passé chez le premier commis du ministre et j’ai appris qu’il était ici…

Monsieur Hardouin.

Et vous voulez savoir si je l’ai vu. Oui, madame, je l’ai vu.

Madame Bertrand.

Eh bien, monsieur ?

Monsieur Hardouin.

Notre affaire souffre des difficultés, mais elle n’est point, mais point du tout désespérée.