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Vertillac, entendez-vous, vous suppliât à mains jointes d’épouser mademoiselle sa fille ?

Monsieur de Crancey.

Me suppliât.

Monsieur Hardouin.

Oui, oui, vous suppliât. Sans trop présumer de mes forces, je pourrais, je crois, l’amener jusque-là.

Monsieur de Crancey.

Mais la fuir ! Mais jouer l’indifférence ! Mon ami, ne pourriez-vous pas m’imposer un rôle plus raisonnable et plus facile ?

Monsieur Hardouin.

Homme enragé ! Que vous demandé-je ? De ne sortir de votre logis que quand je vous appellerai.

Monsieur de Crancey.

Et cette détention durera-t-elle longtemps ?

Monsieur Hardouin.

Un jour peut-être.

Monsieur de Crancey.

Un jour sans la voir ! Cela ne m’est point encore arrivé. Un mortel jour entier ! Qu’en pensera-t-elle ? Vous êtes un tyran. Allons, j’accorde le jour, mais pas une minute de plus. À propos, vous ne savez pas ce qui m’est passé par la tête lorsque je conduisais leur voiture : au moindre signe de mon amie, je les enlevais toutes deux.

Monsieur Hardouin.

Qu’eussiez-vous fait de la mère ?

Monsieur de Crancey.

Je ne sais ; mais l’aventure eût fait un tapage enragé, et il aurait bien fallu qu’elle m’accordât sa fille. Celle-ci ne l’a pas voulu ; je crains bien qu’elle ne s’en repente.

Monsieur Hardouin.

Et vous formiez ce projet sans scrupule ?

Monsieur de Crancey.

Aucun.

Monsieur Hardouin.

Comment ! vous êtes presque digne d’être mon confident.