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LE JOUEUR
DRAME




ACTE PREMIER


Le théâtre représente un appartement démeublé.



Scène PREMIÈRE.

MADAME BEVERLEY, CHARLOTTE.
MADAME BEVERLEY.

Rassurez-vous, mon amie ; tout n’est pas sans ressource. Déjà même je suis moins sensible au spectacle du désordre qui m’entoure. Mes yeux se font à voir des murailles nues. Ô chère sœur, chère sœur, si je n’avais à souffrir que la perte de ma fortune, le renvoi de mes gens et la chute de ma maison ; s’il ne s’agissait que de quitter un équipage, et que de renoncer au faste et à son éclat, votre pitié pour moi serait une faiblesse.

CHARLOTTE.

Et n’est-ce donc rien que la pauvreté ?

MADAME BEVERLEY.

Rien du tout, si elle n’approchait que de moi. Dans l’opulence, j’étais la plus heureuse des riches ; mais, avec du pain et un sourire de mon époux, dans l’indigence, je serai la plus heureuse des pauvres. Vous voyez cet appartement ? eh bien, Charlotte, la seule chose qui y manque à mes yeux, c’est lui… Vous me regardez !… Pourquoi me regardez-vous ?