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DE LA POÉSIE DRAMATIQUE.

c’est que les hommes n’obtiennent justice que quand ils ne sont plus. Ce n’est qu’après qu’on a tourmenté leur vie, qu’on jette sur leurs tombeaux quelques fleurs inodores. Que faire donc ? Se reposer, ou subir une loi à laquelle de meilleurs que nous ont été soumis. Malheur à celui qui s’occupe, si son travail n’est pas la source de ses instants les plus doux, et s’il ne sait pas se contenter de peu de suffrages ! Le nombre des bons juges est borné. O mon ami, lorsque j’aurai publié quelque chose, que ce soit l’ébauche d’un drame, une idée philosophique, un morceau de morale ou de littérature, car mon esprit se délasse par la variété, j’irai vous voir. Si ma présence ne vous gêne pas, si vous venez à moi d’un air satisfait, j’attendrai sans impatience que le temps et l’équité, que le temps amène toujours, aient apprécié mon ouvrage.

S’il existe un genre, il est difficile d’en introduire un nouveau. Celui-ci est-il introduit ? Autre préjugé : bientôt on imagine que les deux genres adoptés sont voisins et se touchent.

Zenon niait la réalité du mouvement. Pour toute réponse, son adversaire[1] se mit à marcher ; et quand il n’aurait fait que boiter, il eut toujours répondu.

J’ai essayé de donner, dans le Fils naturel, l’idée d’un drame qui fût entre la comédie et la tragédie.

Le Père de famille, que je promis alors, et que des distractions continuelles ont retardé, est entre le genre sérieux du Fils naturel, et la comédie.

Et si jamais j’en ai le loisir et le courage, je ne désespère pas de composer un drame qui se place entre le genre sérieux et la tragédie.

Qu’on reconnaisse à ces ouvrages quelque mérite, ou qu’on ne leur en accorde aucun ; ils n’en démontreront pas moins que l’intervalle que j’apercevais entre les deux genres établis n’était pas chimérique.

II. De la comédie sérieuse.

Voici donc le système dramatique dans toute son étendue. La comédie gaie, qui a pour objet le ridicule et le vice, la comédie sérieuse, qui a pour objet la vertu et les devoirs de

  1. Diogène le Cynique. (Br.)