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Le Père de famille.

Il ne me reste qu’un frère cruel, qui se plaît à aggraver sur moi la douleur… Homme cruel, éloignez-vous. Faites-moi venir mes enfants ; je veux voir mes enfants.

Le Commandeur.

Vos enfants ? Vos enfants ont bien mieux à faire que d’écouter vos lamentations. La maîtresse de votre fils… à côté de lui… dans l’appartement de votre fille… Croyez-vous qu’ils s’ennuient ?

Le Père de famille.

Frère barbare, arrêtez… Mais non, achevez de m’assassiner.

Le Commandeur.

Puisque vous n’avez pas voulu que je prévinsse votre peine, il faut que vous en buviez toute l’amertume.

Le Père de famille.

Ô mes espérances perdues !

Le Commandeur.

Vous avez laissé croître leurs défauts avec eux ; et s’il arrivait qu’on vous les montrât, vous avez détourné la vue. Vous leur avez appris vous-même à mépriser votre autorité : ils ont tout osé, parce qu’ils le pouvaient impunément.

Le Père de famille.

Quel sera le reste de ma vie ? Qui adoucira les peines de mes dernières années ? Qui me consolera ?

Le Commandeur.

Quand je vous disais : « veillez sur votre fille ; votre fils se dérange ; vous avez chez vous un coquin ; » j’étais un homme dur, méchant, importun.

Le Père de famille.

J’en mourrai, j’en mourrai. Et qui chercherai-je autour de moi !… Ah !… Ah !… (Il pleure.)

Le Commandeur.

Vous avez négligé mes conseils ; vous en avez ri[1]. Pleurez, pleurez maintenant.

  1. On supprimait à la représentation depuis ce mot jusqu’à : Non, mes enfants ne sont pas tombés…