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Scène IV


SAINT-ALBIN, CÉCILE, LE PÈRE DE FAMILLE.
(Saint-Albin marque d’abord de l’impatience à rapproche de son père ; ensuite il reste immobile.)


Le Père de famille.

Tu me fuis, et je ne peux t’abandonner !… Je n’ai plus de fils, et il te reste toujours un père !… Saint-Albin, pourquoi me fuyez-vous ?… Je ne viens pas vous affliger davantage, et exposer mon autorité à de nouveaux mépris… Mon fils, mon ami, tu ne veux pas que je meure de chagrin… Nous sommes seuls. Voici ton père, voilà ta sœur ; elle pleure, et mes larmes attendent les tiennes pour s’y mêler… Que ce moment sera doux, si tu veux !

Vous avez perdu celle que vous aimiez, et vous l’avez perdue par la perfidie d’un homme qui vous est cher.

Saint-Albin, en levant les yeux au ciel avec fureur.

Ah !

Le Père de famille.

Triomphez de vous et de lui ; domptez une passion qui vous dégrade ; montrez-vous digne de moi… Saint-Albin, rendez-moi mon fils. (Saint-Albin s’éloigne ; on voit qu’il voudrait répondre aux sentiments de son père, et qu’il ne le peut pas. Son père se méprend à son action, et dit en le suivant :) Dieu ! est-ce ainsi qu’on accueille un père ! il s’éloigne de moi… Enfant ingrat, enfant dénaturé ! eh ! où irez-vous que je ne vous suive ?… Partout je vous suivrai ; partout je vous redemanderai mon fils[1](Saint-Albin s’éloigne encore, et son père le suit en lui criant avec violence :) Rends-moi mon fils… Rends-moi mon fils. (Saint-Albin va s’appuyer contre le mur, élevant ses mains et cachant sa tête entre ses bras ; et son père continue :) Il ne me répond rien ; ma voix n’arrive plus jusqu’à son cœur : une passion insensée l’a fermé. Elle a tout détruit ; il est devenu stupide et féroce. (Il se renverse dans un fauteuil et dit :) père malheureux ! le ciel m’a

  1. Passage coupé à la représentation à partir de : Dieu !