Scène VIII
Parlez donc, monsieur, je vous écoute… Si c’est un malheur que de l’aimer, il est arrivé, et je n’y sais plus de remède… Si on me la refuse, qu’on m’apprenne à l’oublier… L’oublier !… Qui ? elle ? moi ? je le pourrais ? je le voudrais ? Que la malédiction de mon père s’accomplisse sur moi, si jamais j’en ai la pensée !
Qu’est-ce qu’on te demande ? de laisser là une créature que tu n’aurais jamais dû regarder qu’en passant ; qui est sans bien, sans parents, sans aveu, qui vient de je ne sais où, qui appartient à je ne sais qui, et qui vit je ne sais comment. On a de ces filles-là. Il y a des fous qui se ruinent pour elles ; mais épouser ! épouser !
Monsieur le Commandeur !…
Elle te plaît ? Eh bien ! garde-la. Je t’aime autant celle-là qu’une autre ; mais laisse-nous espérer la fin de cette intrigue, quand il en sera temps. (Saint-Albin veut sortir.) Où vas-tu ?
Je m’en vais.
As-tu oublié que je te parle au nom de ton père ?
Eh bien ! monsieur, dites. Déchirez-moi, désespérez-moi ; je n’ai qu’un mot à répondre. Sophie sera ma femme.
Ta femme ?
Oui, ma femme.