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être aussi le mien… Parle… Rends-moi le repos, ou achève de me l’ôter… Ne sais-tu rien de mon fils ?

Germeuil.

Non, monsieur.

Le père de famille.

Tu es un homme vrai ; et je te crois. Mais vois combien ton ignorance doit ajouter à mon inquiétude. Quelle est la conduite de mon fils, puisqu’il la dérobe à un père dont il a tant de fois éprouvé l’indulgence, et qu’il en fait mystère au seul homme qu’il aime ?… Germeuil, je tremble que cet enfant…

Germeuil.

Vous êtes père ; un père est toujours prompt à s’alarmer.

Le père de famille.

Tu ne sais pas ; mais tu vas savoir et juger si ma crainte est précipitée… Dis-moi, depuis un temps, n’as-tu pas remarqué combien il est changé ?

Germeuil.

Oui ; mais c’est en bien. Il est moins curieux dans ses chevaux, ses gens, son équipage ; moins recherché dans sa parure. Il n’a plus aucune de ces fantaisies que vous lui reprochiez ; il a pris en dégoût les dissipations de son âge ; il fuit ses complaisants, ses frivoles amis ; il aime à passer les journées retiré dans son cabinet ; il lit, il écrit, il pense. Tant mieux ; il a fait de lui-même ce que vous en auriez tôt ou tard exigé.

Le père de famille.

Je me disais cela comme toi ; mais j’ignorais ce que je vais rapprendre… Écoute… Cette réforme dont, à ton avis, il faut que je me félicite, et ces absences de nuit qui m’effrayent…

Germeuil.

Ces absences et cette réforme ?…

Le père de famille.

Ont commencé en même temps. (Germeuil paraît surpris.) Oui, mon ami, en même temps.

Germeuil.

Cela est singulier.

Le père de famille.

Cela est. Hélas ! le désordre ne m’est connu que depuis peu : mais il a duré… Arranger et suivre à la fois deux plans oppo-