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Que, si les souverains sont les seuls hommes qui soient demeurés dans l’état de nature, où le ressentiment est l’unique loi de celui qu’on offense, la limite du juste et de l’injuste est un trait délié qui se déplace ou qui disparaît à l’œil de l’homme irrité.

Que la justice est la première vertu de celui qui commande, et la seule qui arrête la plainte de celui qui obéit.

Qu’il est beau de se soumettre soi-même à la loi qu’on impose ; et qu’il n’y a que la nécessité et la généralité de la loi qui la fassent aimer.

Que plus les États sont bornés, plus l’autorité politique se rapproche de la puissance paternelle.

Que si le souverain a les qualités d’un souverain, ses États seront toujours assez étendus.

Que si la vertu d’un particulier peut se soutenir sans appui, il n’en est pas de même de la vertu d’un peuple ; qu’il faut récompenser les gens de mérite, encourager les hommes industrieux, approcher de soi les uns et les autres.

Qu’il y a partout des hommes de génie, et que c’est au souverain à les faire paraître.

Mon fils, c’est dans la prospérité que vous vous montrerez bon ; mais c’est l’adversité qui vous montrera grand. S’il est beau de voir l’homme tranquille, c’est au moment où les hasards se rassemblent sur lui.

Faites le bien ; et songez que la nécessité des événements est égale sur tous.

Soumettez-vous-y ; et accoutumez-vous à regarder d’un même œil le coup qui frappe l’homme et qui le renverse, et la chute d’un arbre qui briserait sa statue.

Vous êtes mortel comme un autre ; et lorsque vous tomberez, un peu de poussière vous couvrira comme un autre.

Ne vous promettez point un bonheur sans mélange ; mais faites-vous un plan de bienfaisance que vous opposiez à celui de la nature, qui nous opprime quelquefois. C’est ainsi que vous vous élèverez, pour ainsi dire, au-dessus d’elle, par l’excellence d’un système qui répare les désordres du sien. Vous serez heureux le soir, si vous avez fait plus de bien qu’elle ne vous aura fait de mal. Voilà l’unique moyen de vous réconcilier avec la vie. Comment haïr une existence qu’on