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Le maître.

Une autre fois je te dirai cela.

Jacques.

Mais pourquoi est-ce qu’ils sont si méchants ?

Le maître.

Je crois que c’est parce qu’ils sont moines… Et puis revenons à tes amours.

Jacques.

Non, monsieur, n’y revenons pas.

Le maître.

Est-ce que tu ne veux plus que je les sache ?

Jacques.

Je le veux toujours ; mais le destin, lui, ne le veut pas. Est-ce que vous ne voyez pas qu’aussitôt que j’en ouvre la bouche, le diable s’en mêle, et qu’il survient toujours quelque incident qui me coupe la parole ? Je ne les finirai pas, vous dis-je, cela est écrit là-haut.

Le maître.

Essaye, mon ami.

Jacques.

Mais si vous commenciez l’histoire des vôtres, peut-être que cela romprait le sortilège et qu’ensuite les miennes en iraient mieux. J’ai dans la tête que cela tient à cela ; tenez, monsieur, il me semble quelquefois que le destin me parle.

Le maître.

Et tu te trouves toujours bien de l’écouter ?

Jacques.

Mais, oui, témoin le jour qu’il me dit que votre montre était sur le dos du porteballe…


Le maître se mit à bâiller ; en bâillant il frappait de la main sur sa tabatière, et en frappant sur sa tabatière, il regardait au loin, et en regardant au loin, il dit à Jacques : Ne vois-tu pas quelque chose sur ta gauche ?

Jacques.

Oui, et je gage que c’est quelque chose qui ne voudra pas que je continue mon histoire, ni que vous commenciez la vôtre…