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SATIRE I


SUR


LES CARACTÈRES ET LES MOTS DE CARACTÈRE
DE PROFESSION, ETC.


Quot capitum vivunt, totidem studiorum
Millia.

Horat. Serm. lib. II, sat. i.




À MON AMI M. NAIGEON


SUR UN PASSAGE
DE LA PREMIÈRE SATIRE DU SECOND LIVRE D’HORACE


Sunt quibus in satira videar nimis acer, et ultra
Legem tendere opus.

Horat. Serm. lib. II, sat. i, v. 1-2.

N’avez-vous pas remarqué, mon ami, que telle est la variété de cette prérogative qui nous est propre, et qu’on appelle raison, qu’elle correspond seule à toute la diversité de l’instinct des animaux ? De là vient que sous la forme bipède de l’homme il n’y a aucune bête innocente ou malfaisante dans l’air, au fond des forêts, dans les eaux, que vous ne puissiez reconnaître : il y a l’homme loup, l’homme tigre, l’homme renard, l’homme taupe, l’homme pourceau, l’homme mouton ; et celui-ci est le plus commun. Il y a l’homme anguille ; serrez-le tant qu’il vous plaira, il vous échappera. L’homme brochet, qui dévore tout ; l’homme serpent, qui se replie en cent façons diverses ; l’homme ours, qui ne me déplaît pas ; l’homme aigle, qui plane au haut des cieux ; l’homme corbeau, l’homme épervier, l’homme et l’oiseau de proie. Rien de plus rare qu’un homme qui soit homme de toute pièce ; aucun de nous qui ne tienne un peu de son analogue animal.