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couper la tête à son roi, n’était-il pas sorti de la boutique d’un brasseur, et ne dit-on pas aujourd’hui ?…

Le maître.

Laissons cela. Tu te portes bien, tu sais mes amours ; en conscience tu ne peux te dispenser de reprendre l’histoire des tiennes.

Jacques.

Tout s’y oppose. Premièrement, le peu de chemin qui nous reste à faire ; secondement, l’oubli de l’endroit où j’en étais ; troisièmement, un diable de pressentiment que j’ai là… que cette histoire ne doit pas finir ; que ce récit nous portera malheur, et que je ne l’aurais pas sitôt repris qu’il sera interrompu par une catastrophe heureuse ou malheureuse.

Le maître.

Si elle est heureuse, tant mieux !

Jacques.

D’accord ; mais j’ai là… qu’elle sera malheureuse.

Le maître.

Malheureuse ! soit ; mais que tu parles ou que tu te taises, arrivera-t-elle moins ?

Jacques.

Qui sait cela ?

Le maître.

Tu es né trop tard de deux ou trois siècles.

Jacques.

Non, monsieur, je suis né à temps comme tout le monde.

Le maître.

Tu aurais été un grand augure.

Jacques.

Je ne sais pas bien précisément ce que c’est qu’un augure, ni ne me soucie de le savoir.

Le maître.

C’est un des chapitres importants de ton traité de la divination.

Jacques.

Il est vrai ; mais il y a si longtemps qu’il est écrit, que je ne m’en rappelle pas un mot. Monsieur, tenez, voilà qui en sait