Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/267

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ses amours sont tellement liées l’une à l’autre qu’on ne saurait les séparer ?

Le maître.

On peut les séparer ; l’emplâtre est un incident, l’histoire est le récit de tout ce qui s’est passé pendant qu’ils s’aimaient.

Jacques.

Et s’est-il passé beaucoup de choses ?

Le maître.

Beaucoup.

Jacques.

En ce cas, si vous donnez à chacune la même étendue qu’au portrait de l’héroïne, nous n’en sortirons pas d’ici à la Pentecôte, et c’est fait de vos amours et des miennes.

Le maître.

Aussi, Jacques, pourquoi m’avez-vous dérouté ?… N’as-tu pas vu chez Desglands un petit enfant ?

Jacques.

Méchant, têtu, insolent et valétudinaire ? Oui, je l’ai vu.

Le maître.

C’est un fils naturel de Desglands et de la belle veuve.

Jacques.

Cet enfant-là lui donnera bien du chagrin. C’est un enfant unique, bonne raison pour n’être qu’un vaurien ; il sait qu’il sera riche, autre bonne raison pour n’être qu’un vaurien.

Le maître.

Et comme il est valétudinaire, on ne lui apprend rien ; on ne le gêne, on ne le contredit sur rien, troisième bonne raison pour n’être qu’un vaurien.

Jacques.

Une nuit le petit fou se mit à pousser des cris inhumains. Voilà toute la maison en alarmes ; on accourt. Il veut que son papa se lève.

« Votre papa dort.

— N’importe, je veux qu’il se lève, je le veux, je le veux…

— Il est malade.

— N’importe, il faut qu’il se lève, je le veux, je le veux… »

On réveille Desglands ; il jette sa robe de chambre sur ses épaules, il arrive.