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Le maître.

Ma foi, je crois que c’était leur projet ; mais il ne leur réussit pas.

Jacques.

Vous êtes bien heureux, ou ils ont été bien maladroits.

Le maître.

Mais il me semble que ta voix est moins rauque, et que tu parles plus librement.

Jacques.

Cela vous semble, mais cela n’est pas.

Le maître.

Tu ne pourrais donc pas reprendre l’histoire de tes amours ?

Jacques.

Non.

Le maître.

Et ton avis est que je continue l’histoire des miennes ?

Jacques.

C’est mon avis de faire une pause, et de hausser la gourde.

Le maître.

Comment ! avec ton mal de gorge tu as fait remplir ta gourde ?

Jacques.

Oui, mais, de par tous les diables, c’est de tisane ; aussi je n’ai point d’idées, je suis bête ; et tant qu’il n’y aura dans la gourde que de la tisane, je serai bête.

Le maître.

Que fais-tu ?

Jacques.

Je verse la tisane à terre ; je crains qu’elle ne nous porte malheur.

Le maître.

Tu es fou.

Jacques.

Sage ou fou, il n’en restera pas la valeur d’une larme dans la gourde.


Tandis que Jacques vide à terre sa gourde, son maître regarde à sa montre, ouvre sa tabatière, et se dispose à continuer l’histoire de ses amours. Et moi, lecteur, je suis tenté de