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— Je t’en avais averti ; mais tu n’en veux jamais faire qu’à ta tête.

— C’est qu’il est plus aisé d’en ôter que d’en remettre.

— Prends cette jante, et va finir à la porte.

— Pourquoi à la porte ?

— C’est que le bruit de l’outil réveillerait Jacques, ton ami.

— Jacques !…

— Oui ! Jacques, il est là-haut sur la soupente, qui repose. Ah ! que les pères sont à plaindre ; si ce n’est d’une chose, c’est d’une autre ! Eh bien ! te remueras-tu ? Tandis que tu restes là comme un imbécile, la tête baissée, la bouche béante, et les bras pendants, la besogne ne se fait pas… » Bigre mon ami, furieux, s’élance vers l’escalier ; Bigre mon parrain le retient en lui disant : « Où vas-tu ? laisse dormir ce pauvre diable, qui est excédé de fatigue. À sa place, serais-tu bien aise qu’on troublât ton repos ? »

Le maître.

Et Justine entendait encore tout cela ?

Jacques.

Comme vous m’entendez.

Le maître.

Et que faisais-tu ?

Jacques.

Je riais.

Le maître.

Et Justine ?

Jacques.

Elle avait arraché sa cornette ; elle se tirait par les cheveux ; elle levait les yeux au ciel, du moins je le présume ; elle se tordait les bras.

Le maître.

Jacques, vous êtes un barbare ; vous avez un cœur de bronze.

Jacques.

Non, monsieur, non, j’ai de la sensibilité ; mais je la réserve pour une meilleure occasion. Les dissipateurs de cette richesse en ont tant prodigué lorsqu’il en fallait être économe, qu’ils ne s’en trouvent plus quand il faudrait en être prodigue… Cepen-