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Denise de te visiter quatre fois le jour, et de te soigner. Mais avant que d’aller en avant, dis-moi, Denise avait-elle son pucelage ?

Jacques, en toussant.

Je le crois.

Le maître.

Et toi ?

Jacques.

Le mien, il y avait beaux jours qu’il courait les champs.

Le maître.

Tu n’en étais donc pas à tes premières amours ?

Jacques.

Pourquoi donc ?

Le maître.

C’est qu’on aime celle à qui on le donne, comme on est aimé de celle à qui on le ravit.

Jacques.

Quelquefois oui, quelquefois non.

Le maître.

Et comment le perdis-tu ?

Jacques.

Je ne le perdis pas ; je le troquai bel et bien.

Le maître.

Dis-moi un mot de ce troc-là.

Jacques.

Ce sera le premier chapitre de saint Luc[1], une kyrielle de genuit à ne point finir, depuis la première jusqu’à Denise la dernière.

Le maître.

Qui crut l’avoir et qui ne l’eut point.

Jacques.

Et avant Denise, les deux voisines de notre chaumière.

Le maître.

Qui crurent l’avoir et qui ne l’eurent point.

Jacques.

Non.

Le maître.

Manquer un pucelage à deux, cela n’est pas trop adroit.

  1. Les quarante genuit sont de saint Matthieu, chap. Ier.