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désordre. C’était l’usage qu’Hudson faisait de celle-ci ; c’était sa marcheuse. Mit-il, ne mit-il pas l’intrigante dans son secret ? c’est ce que j’ignore.

En effet, les deux envoyés du général acceptent le rendez-vous. Les y voilà avec la jeune fille. L’intrigante se retire. On commençait à verbaliser, lorsqu’il se fait un grand bruit dans la maison.

« Messieurs, à qui en voulez-vous ? — Nous en voulons à la dame Simion. (C’était le nom de l’intrigante.) — Vous êtes à sa porte. »

On frappe violemment à la porte. « Messieurs, dit la jeune fille aux deux religieux, répondrai-je ?

— Répondez.

— Ouvrirai-je ?

— Ouvrez… »

Celui qui parlait ainsi était un commissaire avec lequel Hudson était en liaison intime ; car qui ne connaissait-il pas ? Il lui avait révélé son péril et dicté son rôle. « Ah ! ah ! dit le commissaire en entrant, deux religieux en tête-à-tête avec une fille ! Elle n’est pas mal. » La jeune fille s’était si indécemment vêtue, qu’il était impossible de se méprendre à son état et à ce qu’elle pouvait avoir à démêler avec deux moines dont le plus âgé n’avait pas trente ans. Ceux-ci protestaient de leur innocence. Le commissaire ricanait en passant la main sous le menton de la jeune fille qui s’était jetée à ses pieds et qui demandait grâce. « Nous sommes en lieu honnête, disaient les moines.

— Oui, oui, en lieu honnête, disait le commissaire.

— Qu’ils étaient venus pour affaire importante.

— L’affaire importante qui conduit ici, nous la connaissons. Mademoiselle, parlez.

— Monsieur le commissaire, ce que ces messieurs vous assurent est la pure vérité. »

Cependant le commissaire verbalisait à son tour, et comme il n’y avait rien dans son procès verbal que l’exposition pure et simple du fait, les deux moines furent obligés de signer. En descendant ils trouvèrent tous les locataires sur les paliers de leurs appartements, à la porte de la maison une populace nombreuse, un fiacre, des archers qui les mirent dans le fiacre, au