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Le maître.

Et je dis, Jacques, que vous descendrez, et que vous descendrez sur le champ, parce que je vous l’ordonne.

Jacques.

Monsieur, commandez-moi tout autre chose, si vous voulez que je vous obéisse.


Ici, le maître de Jacques se leva, le prit à la boutonnière et lui dit gravement :

« Descendez. »

Jacques lui répondit froidement :

« Je ne descends pas. »

Le maître le secoua fortement, lui dit :

« Descendez, maroufle ! obéissez-moi. »

Jacques lui répliqua froidement encore :

« Maroufle, tant qu’il vous plaira ; mais le maroufle ne descendra pas. Tenez, monsieur, ce que j’ai à la tête, comme on dit, je ne l’ai pas au talon. Vous vous échauffez inutilement, Jacques restera où il est, et ne descendra pas. »

Et puis Jacques et son maître, après s’être modérés jusqu’à ce moment, s’échappent tous les deux à la fois, et se mettent à crier à tue-tête :

« Tu descendras.

— Je ne descendrai pas.

— Tu descendras.

— Je ne descendrai pas. »

À ce bruit, l’hôtesse monta, et s’informa de ce que c’était ; mais ce ne fut pas dans le premier instant qu’on lui répondit ; on continua à crier : « Tu descendras. Je ne descendrai pas. » Ensuite le maître, le cœur gros, se promenant dans la chambre, disait en grommelant : « A-t-on jamais rien vu de pareil ? » L’hôtesse ébahie et debout : « Eh bien ! messieurs, de quoi s’agit-il ? »

Jacques, sans s’émouvoir, à l’hôtesse : C’est mon maître à qui la tête tourne ; il est fou.

Le maître.

C’est bête que tu veux dire.

Jacques.

Tout comme il vous plaira.