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Le maître.

Jacques, vous n’avez jamais été femme, encore moins honnête femme, et vous jugez d’après votre caractère qui n’est pas celui de Mme  de La Pommeraye ! Veux-tu que je te dise ? J’ai bien peur que le mariage du marquis des Arcis et d’une catin ne soit écrit là-haut.

Jacques.

S’il est écrit là-haut, il se fera.

L’hôtesse.

Le marquis ne tarda pas à reparaître chez Mme  de La Pommeraye. « Eh bien, lui dit-elle, vos nouvelles offres ?

Le marquis.

Faites et rejetées. J’en suis désespéré. Je voudrais arracher cette malheureuse passion de mon cœur ; je voudrais m’arracher le cœur, et je ne saurais. Marquise, regardez-moi ; ne trouvez-vous pas qu’il y a entre cette jeune fille et moi quelques traits de ressemblance ?

Madame de La Pommeraye.

Je ne vous en avais rien dit ; mais je m’en étais aperçue. Il ne s’agit pas de cela : que résolvez-vous ?

Le marquis.

Je ne puis me résoudre à rien. Il me prend des envies de me jeter dans une chaise de poste, et de courir tant que terre me portera ; un moment après la force m’abandonne ; je suis comme anéanti, ma tête s’embarrasse : je deviens stupide, et ne sais que devenir.

Madame de La Pommeraye.

Je ne vous conseille pas de voyager ; ce n’est pas la peine d’aller jusqu’à Villejuif pour revenir. »


Le lendemain, le marquis écrivit à la marquise qu’il partait pour sa campagne ; qu’il y resterait tant qu’il pourrait, et qu’il la suppliait de le servir auprès de ses amies, si l’occasion s’en présentait ; son absence fut courte : il revint avec la résolution d’épouser.

Jacques.

Ce pauvre marquis me fait pitié.

Le maître.

Pas trop à moi.