Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Jacques.

C’est la fable de la Gaîne et du Coutelet. Un jour la Gaîne et le Coutelet se prirent de querelle ; le Coutelet dit à la Gaîne : « Gaîne, ma mie, vous êtes une friponne, car tous les jours, vous recevez de nouveaux Coutelets… La Gaîne répondit au Coutelet : Mon ami Coutelet, vous êtes un fripon, car tous les jours vous changez de Gaîne… Gaîne, ce n’est pas là ce que vous m’avez promis… Coutelet, vous m’avez trompée le premier… » Ce débat s’était élevé à table ; Cil[1] qui était assis entre la Gaîne et le Coutelet, prit la parole et leur dit : « Vous, Gaîne, et vous, Coutelet, vous fîtes bien de changer, puisque changement vous duisait[2] ; mais vous eûtes tort de vous promettre que vous ne changeriez pas. Coutelet, ne voyais-tu pas que Dieu te fit pour aller à plusieurs Gaînes ; et toi, Gaîne, pour recevoir plus d’un Coutelet ? Vous regardiez comme fous certains Coutelets qui faisaient vœu de se passer à forfait de Gaînes, et comme folles certaines Gaînes qui faisaient vœu de se fermer pour tout Coutelet ; et vous ne pensiez pas que vous étiez presque aussi fous lorsque vous juriez, toi, Gaîne, de t’en tenir à un seul Coutelet ; toi, Coutelet, de t’en tenir à une seule Gaîne. »

Ici le maître dit à Jacques : Ta fable n’est pas trop morale mais elle est gaie. Tu ne sais pas la singulière idée qui me passe par la tête. Je te marie avec notre hôtesse ; et je cherche comment un mari aurait fait, lorsqu’il aime à parler, avec une femme qui ne déparle pas.

Jacques.

Comme j’ai fait les douze premières années de ma vie, que j’ai passées chez mon grand-père et ma grand-mère.

Le maître.

Comment s’appelaient-ils ? Quelle était leur profession ?

  1. Celui.
  2. Duire, vieux mot ; plaire, convenir.

    Je vous donne avec grand plaisir
    De trois présents un à choisir,
    La belle, c’est à vous de prendre
    Celui des trois qui plus vous duit.
    Les voici, sans vous faire attendre :
    Bon jour, bon soir et bonne nuit.

    Sarrasin, Œuvres, Paris, 1685    (Br.)