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Le maître.

Cela est très galant.

Jacques.

Mais aussi où est la femme aussi digne de ces soins que votre Nicole ?…

La passion de l’hôtesse pour les bêtes n’était pourtant pas sa passion dominante, comme on pourrait l’imaginer ; c’était celle de parler. Plus on avait de plaisir et de patience à l’écouter, plus on avait de mérite ; aussi ne se fit-elle pas prier pour reprendre l’histoire interrompue du mariage singulier ; elle y mit seulement pour condition que Jacques se tairait. Le maître promit du silence pour Jacques. Jacques s’étala nonchalamment dans un coin, les yeux fermés, son bonnet renfoncé sur ses oreilles et le dos à demi tourné à l’hôtesse. Le maître toussa, cracha, se moucha, tira sa montre, vit l’heure qu’il était, tira sa tabatière, frappa sur le couvercle, prit sa prise de tabac ; et l’hôtesse se mit en devoir de goûter le plaisir délicieux de pérorer.

L’hôtesse allait débuter, lorsqu’elle entendit sa chienne crier.

Nanon, voyez donc à cette pauvre bête… Cela me trouble, je ne sais plus où j’en étais.

Jacques.

Vous n’avez encore rien dit.

L’hôtesse.

Ces deux hommes avec lesquels j’étais en querelle pour ma pauvre Nicole, lorsque vous êtes arrivé, monsieur…

Jacques.

Dites, messieurs.

L’hôtesse.

Et pourquoi ?

Jacques.

C’est qu’on nous a traités jusqu’à présent avec politesse, et que j’y suis fait. Mon maître m’appelle Jacques, les autres, monsieur Jacques.

L’hôtesse.

Je ne vous appelle ni Jacques, ni monsieur Jacques, je ne vous parle pas… (Madame ? — Qu’est-ce ? — La carte du numéro cinq — Voyez sur le coin de la cheminée.) Ces deux hommes sont bons gentils-