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de nous ; le docteur vous a sauvé une jambe, moi, je vous ai bien soigné, et j’espère qu’au château vous ne nous oublierez pas.

— Qu’y pourrais-je pour vous ?

— Demander que ce fût mon mari qui vînt pour vous y panser ; il y a du monde là ! C’est la meilleure pratique du canton ; le seigneur est un homme généreux, on en est grassement payé ; il ne tiendrait qu’à vous de faire notre fortune. Mon mari a bien tenté à plusieurs reprises de s’y fourrer, mais inutilement.

— Mais, madame la doctoresse, n’y a-t-il pas un chirurgien du château ?

— Assurément !

— Et si cet autre était votre mari, seriez-vous bien aise qu’on le desservît et qu’il fût expulsé ?

— Ce chirurgien est un homme à qui vous ne devez rien, et je crois que vous devez quelque chose à mon mari : si vous allez à deux pieds comme ci-devant, c’est son ouvrage.

— Et parce que votre mari m’a fait du bien, il faut que je fasse du mal à un autre ? Encore si la place était vacante… »


Jacques allait continuer, lorsque l’hôtesse entra tenant entre ses bras Nicole emmaillotée, la baisant, la plaignant, la caressant, lui parlant comme à son enfant : Ma pauvre Nicole, elle n’a eu qu’un cri de toute la nuit. Et vous, messieurs, avez-vous bien dormi ?

Le maître.

Très bien.

L’hôtesse.

Le temps est pris de tous côtés.

Jacques.

Nous en sommes assez fâchés.

L’hôtesse.

Ces messieurs vont-ils loin ?

Jacques.

Nous n’en savons rien.

L’hôtesse.

Ces messieurs suivent quelqu’un ?