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Jacques.

Où en étais-je ? Je vous prie, mon maître, pour cette fois-ci, et pour toutes les autres, de me remettre sur la voie.

Le maître.

Je m’en charge, et, pour entrer en ma fonction de souffleur, tu étais dans ton lit, sans argent, fort empêché de ta personne, tandis que la doctoresse et ses enfants mangeaient ta rôtie au sucre.

Jacques.

Alors on entendit un carrosse s’arrêter à la porte de la maison. Un valet entre et demande : « N’est-ce pas ici que loge un pauvre homme, un soldat qui marche avec une béquille, qui revint hier au soir du village prochain ?

— Oui, répondit la doctoresse, que lui voulez-vous ?

— Le prendre dans ce carrosse et l’amener avec nous.

— Il est dans ce lit ; tirez les rideaux et parlez-lui. »


Jacques en était là, lorsque l’hôtesse entra et leur dit : Que voulez-vous pour dessert ?

Le maître.

Ce que vous avez.


L’hôtesse, sans se donner la peine de descendre, cria de la chambre : « Nanon, apportez des fruits, des biscuits, des confitures… »

À ce mot de Nanon, Jacques dit à part lui : « Ah ! c’est sa fille qu’on a maltraitée, on se mettrait en colère à moins… »

Et le maître dit à l’hôtesse : Vous étiez bien fâchée tout à l’heure ?

L’hôtesse.

Et qui est-ce qui ne se fâcherait pas ? La pauvre créature ne leur avait rien fait ; elle était à peine entrée dans leur chambre, que je l’entends jeter des cris, mais des cris… Dieu merci ! je suis un peu rassurée ; le chirurgien prétend que ce ne sera rien ; elle a cependant deux énormes contusions, l’une à la tête, l’autre à l’épaule.

Le maître.

Y a-t-il longtemps que vous l’avez ?