d’un bandeau, et la tête échevelée. Cependant elle, incertaine si elle devait rester, allait et venait en disant :
« Ô Jésus ! elle est possédée ; rien n’est plus vrai, elle est possédée… »
Et l’hypocrite se signait avec la croix de son rosaire.
Je ne tardai pas à revenir à moi ; je sentis l’indécence de mon état et l’imprudence de mes discours ; je me composai de mon mieux ; je ramassai mon voile et je le remis ; puis, me tournant vers elle, je lui dis :
« Madame, je ne suis ni folle, ni possédée ; je suis honteuse de mes violences, et je vous en demande pardon ; mais jugez par là combien l’état de religieuse me convient peu, et combien il est juste que je cherche à m’en tirer, si je puis. »
Elle, sans m’écouter, répétait : « Que dira le monde ? Que diront nos sœurs ?
— Madame, lui dis-je, voulez-vous éviter un éclat ; il y aurait un moyen. Je ne cours point après ma dot ; je ne demande que la liberté : je ne dis point que vous m’ouvriez les portes ; mais faites seulement aujourd’hui, demain, après, qu’elles soient mal gardées ; et ne vous apercevez de mon évasion que le plus tard que vous pourrez…
— Malheureuse ! qu’osez-vous me proposer ?
— Un conseil qu’une bonne et sage supérieure devrait suivre avec toutes celles pour qui leur couvent est une prison ; et le couvent en est une pour moi mille fois plus affreuse que celles qui renferment les malfaiteurs ; il faut que j’en sorte ou que j’y périsse. Madame, lui dis-je en prenant un ton grave et un regard assuré, écoutez-moi : si les lois auxquelles je me suis adressée trompaient mon attente ; et que, poussée par des mouvements d’un désespoir que je ne connais que trop… vous avez un puits… il y a des fenêtres dans la maison… partout on a des murs devant soi… on a un vêtement qu’on peut dépecer… des mains dont on peut user…
— Arrêtez, malheureuse ! vous me faites frémir. Quoi ! vous pourriez…
— Je pourrais, au défaut de tout ce qui finit brusquement les maux de la vie, repousser les aliments ; on est maître de boire et de manger, ou de n’en rien faire… S’il arrivait, après ce que je viens de vous dire, que j’eusse le courage…, et vous savez que