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vent. Ils traînent après eux une multitude de jeunes garçons et de jeunes filles. Ils disent à Pisistrate : « Qui que tu sois, livre-nous les deux enfants qui sont à tes genoux, ils sont dévoués au Minotaure. »

À ces mots, imaginez ce que devinrent Stérope et Pisistrate, Polydore et Carite.

On lie Polydore, on lie Carite. On les emmène. Stérope et Pisistrate les voient aller.

Les soldats conduisent leur proie au pied d’un rocher que la mer battait de ses flots. Les Athéniens ne devaient au Minotaure que sept jeunes garçons et sept jeunes filles, et le nombre qu’on avait saisi était beaucoup plus grand. On offre un sacrifice à Jupiter de Crète. On apporte une urne et le sort va décider quels seront ceux qu’on gardera et quels seront ceux qu’on renverra. On tire ; le sort sauve Polydore et condamne Carite.

La nuit vient. Les vaisseaux se sont éloignés. Polydore reste seul sur le rivage. La nuit se passe et le jour le retrouve encore immobile, les yeux égarés et les bras étendus vers les mers qui le séparent de Carite.

Cependant des vents contraires avaient repoussé les vaisseaux crétois dans la rade du Pirée. Polydore voit leurs banderoles. Il accourt. Un jeune soldat appelé Straton prend pitié de lui. Il reverra Carite.

Polydore était jeune. Sa beauté pouvait aisément le faire passer pour une fille. Il en prend les habits, et Straton l’introduit auprès de Carite. Quelle entrevue, si l’auteur avait su la peindre !

Mais Straton, qui avait introduit Polydore auprès de Carite, ne peut plus le remettre à terre. Les vents s’élèvent. Les Crétois reviennent subitement sur leurs bords. On met à la voile. On part. Polydore, déguisé, s’avance vers la Crète à côté de Carite, et le premier livre finit.

Ce premier livre est bien conduit. Il est simple, peu chargé d’événements et cependant le plus intéressant des quatre. Cet ouvrage est tout à fait dans le genre d’Ismène et Ismenias. C’est à s’y tromper. Mêmes qualités, mêmes défauts ; beaucoup de connaissance des usages anciens ; même affectation à chercher des tableaux ; trop de poésie dans le style ; de l’élégance et de