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moi.

C’est pourtant celle qu’on dessert pour couvrir les nôtres[1].

lui.

Mais vous conviendrez que l’industrie de nos cuisiniers, pâtissiers, rôtisseurs, traiteurs, confiseurs, y met un peu du sien. Avec la diète austère de votre Diogène, il ne devait pas avoir des organes fort indociles.

moi.

Vous vous trompez, l’habit du cynique était, autrefois, notre habit monastique avec la même vertu. Les cyniques étaient les carmes et les cordeliers d’Athènes.

lui.

Je vous y prends. Diogène a donc aussi dansé la pantomime, si ce n’est devant Périclès, du moins devant Laïs et Phryné ?

moi.

Vous vous trompez encore ; les autres achetaient bien cher la courtisane qui se livrait à lui [pour le plaisir.

lui.

Mais, s’il arrivait que la courtisane fût occupée et le cynique pressé…

moi.

Il rentrait dans son tonneau et se passait d’elle.

lui.

Et vous me conseilleriez de l’imiter ?

moi.

Je veux mourir si cela ne vaudrait pas mieux que de ramper, de s’avilir et de se prostituer[2].]

lui.

Mais il me faut un bon lit, une bonne table, un vêtement frais en été, du repos, de l’argent et beaucoup d’autres choses, que je préfère de devoir à la bienveillance, plutôt que de les acquérir par le travail.

moi.

C’est que vous êtes un fainéant, un gourmand, un lâche, une âme de boue.

  1. Et non les autres.
  2. Le passage entre crochets manque dans les anciennes éditions.