naît, tout est bien. Il y a un pacte tacite qu’on nous fera du bien et que tôt ou tard nous rendrons le mal pour le bien qu’on nous aura fait. Ce pacte ne subsiste-t-il pas entre l’homme et son singe et son perroquet ? Le Brun[1] jette les hauts cris que Palissot, son convive et son ami, ait fait des couplets contre lui. Palissot a dû faire les couplets, et c’est Le Brun qui a tort. Poinsinet jette les hauts cris que Palissot ait mis sur son compte les couplets qu’il avait faits contre Le Brun. Palissot a dû mettre sur le compte de Poinsinet les couplets qu’il avait faits contre Le Brun, et c’est Poinsinet qui a tort. Le petit abbé Rey jette les hauts cris de ce que son ami Palissot lui a soufflé sa maîtresse auprès de laquelle il l’avait introduit : c’est qu’il ne fallait point introduire un Palissot chez sa maîtresse, ou se résoudre à la perdre ; Palissot a fait son devoir, et c’est l’abbé Rey qui a tort. Le libraire David jette les hauts cris de ce que son associé Palissot a couché ou voulu coucher avec sa femme ; la femme du libraire David jette les hauts cris de ce que Palissot a laissé croire à qui l’a voulu qu’il avait couché avec elle ; que Palissot ait couché ou non avec la femme du libraire David, ce qui est difficile à décider, car la femme a dû nier ce qui était et Palissot a pu laisser croire ce qui n’était pas[2] ; quoi qu’il en soit, Palissot a fait son rôle et c’est David et sa femme qui ont tort. Qu’Helvétius jette les hauts cris que Palissot le traduise sur la scène comme un malhonnête homme, lui à qui il doit encore l’argent qu’il lui prêta pour se faire traiter de la mauvaise santé, se nourrir et se vêtir ; a-t-il dû se promettre un autre procédé de la part d’un homme souillé de toutes sortes d’infamies, qui par passe-temps fait abjurer la religion à son ami[3] ; qui s’empare du bien de ses associés ; qui n’a ni foi, ni loi, ni sentiment ; qui court à la fortune per fas et nefas, qui compte ses jours par ses scélératesses, et qui s’est traduit lui-même sur la scène comme un des plus dangereux coquins, impudence dont je ne crois pas
- ↑ Le rédacteur de la Renommée littéraire.
- ↑ Tout ce passage n’existe pas dans les anciennes éditions. Brière met : Le libraire D*** jette les hauts cris de ce que son associé B*** laisse croire ce qui n’était pas, et continue.
- ↑ Voir dans les Mémoires de Jean Monet la mystification à la suite de laquelle Poinsinet accepta de se faire protestant pour devenir précepteur du prince royal de Prusse. Elle est aussi dans les Mémoires de Favart. C’était Palissot le mystificateur.