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moi.

Avoir un état dans la société et en remplir les devoirs ?…

lui.

Vanité ! Qu’importe qu’on ait un état ou non, pourvu qu’on soit riche, puisqu’on ne prend un état que pour le devenir. Remplir ses devoirs, à quoi cela mène-t-il ? à la jalousie, au trouble, à la persécution. Est-ce ainsi qu’on s’avance ? faire sa cour, morbleu ! voir les grands, étudier leurs goûts, se prêter à leurs fantaisies, servir leurs vices, approuver leurs injustices : voilà le secret.

moi.

Veiller à l’éducation de ses enfants ?…

lui.

Vanité ! C’est l’affaire d’un précepteur.

moi.

Mais si ce précepteur, pénétré de vos principes, néglige ses devoirs, qui est-ce qui en sera châtié ?

lui.

Ma foi, ce ne sera pas moi, mais peut-être un jour le mari de ma fille ou la femme de mon fils.

moi.

Mais si l’un et l’autre se précipitent dans la débauche et les vices ?

lui.

Cela est de leur état.

moi.

S’ils se déshonorent ?

lui.

Quoi qu’on fasse, on ne peut se déshonorer quand on est riche.

moi.

S’ils se ruinent ?

lui.

Tant pis pour eux.

moi.

Je vois que si vous vous dispensiez de veiller à la conduite de votre femme, de vos enfants, de vos domestiques, vous pourriez aisément négliger vos affaires.