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Mercier et de Cazotte, inconnues de M. Jal, que l’homme était bien ce qu’il fallait à Diderot pour le type qu’il avait en vue. Il l’a grossi, il l’a grandi ; il l’a accentué ; là est sa part d’artiste. Et avouez que sans cette peinture éclatante, la postérité, représentée par M. Jal, se serait fort peu inquiétée de retrouver les traces de ce musicien qui finit dans une maison religieuse et dont toute l’originalité consistait dans les contrastes de sa nature mal équilibrée, contrastes qui avaient frappé Diderot et qui l’ont amené à écrire ce dialogue, « œuvre philosophique, brutale, vraie, malséante, spirituelle, fausse, déclamatoire, raisonnable, amusante, folle, etc., etc., » comme dit toujours M. Jal, et qui l’a cependant « amusé, » il l’avoue, « tout en le contrariant fort. »

Nous admettrions volontiers, comme ce biographe, que Diderot et sa fille ont gardé ce dialogue en portefeuille, pour éviter le scandale qui pouvait résulter des personnalités qu’il contient, si nous n’avions déjà eu plusieurs fois l’occasion de faire remarquer combien, depuis les persécutions dont il avait été l’objet, Diderot répugnait à toute idée de publicité.

Donnons cependant, d’après cette source, les principales dates de la vie de Jean-François Rameau.

Son père Claude Rameau était organiste (et non apothicaire) à Dijon, sa mère s’appelait Marguerite Rondelet. Il naquit le 30 janvier 1716 et fut baptisé le lendemain. Il se maria en 1757, le 3 février, à Saint-Séverin. Il demeurait alors rue d’Enfer depuis plusieurs années. Sa femme s’appelait Ursule-Nicole Félix-Fruchet et demeurait, de fait, aussi rue d’Enfer, depuis six mois. C’était la fille d’un tailleur. Elle mourut fort jeune, vers 1760 ou 1761, ainsi que l’enfant qu’elle avait eu de Rameau. C’est en 1766, alors que Rameau professait la musique dans quelques bonnes maisons, qu’il composa la Raméide, qui se termine par cette note : « Il fallait que les circonstances me fussent contraires, que notre adversaire nous ait dit de jeter notre musique au feu, qu’elle n’était pas musique, pour avoir essayé de faire mon histoire que j’appelle la Raméide, dans le temps de ma vie le plus rempli de trouble, dénué de tout secours littéraire, pays où je vas et où je dois paraître bien étranger, mais même pour l’avoir confié au public. — Du dimanche des Rameaux, 1766. » Cazotte nous a appris quelle fut la fin de ce malheureux. Elle ne contredit en rien l’idée qu’on pouvait s’en faire, d’après le décousu d’une telle vie.

Rameau dit quelque, part dans son poëme :


Et je suis sûr encor que, dans bien plus d’un lieu,
Je fais aussi parler de Rameau le neveu.