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J’ai répondu par des faits irrécusables à la première inconséquence de M. Saur ; j’ai prouvé que l’authenticité du manuscrit de Diderot ne saurait être contestée que par des gens de mauvaise foi, puisqu’une note autographe du 2 (?) janvier 1760 constate cette authenticité. Peu satisfait de cette déclaration, M. Saur, qui a le malheur d’ignorer le prix d’une réputation sans tache, poursuit le cours de ses perfides insinuations et ose se retrancher dans l’absurde proposition qu’un ami de la fille de Diderot peut lui avoir fait hommage d’une version soi-disant française d’un ouvrage de son père ; mais que peut un raisonnement aussi faible, aussi dépourvu de bon sens, contre la note écrite de la main de Diderot, contre l’assertion positive de l’estimable marquise de Vandeul, quand elle affirme que le Neveu de Rameau imprimé par moi est textuellement l’ouvrage de son père ; que ce manuscrit faisait partie de l’immense héritage littéraire que lui a laissé ce grand homme ?

MM.  Saur et Saint-Geniès citent des passages de mon édition (qui leur serait inconnue sans la confiance que j’ai eue en eux et dont ils ont abusé, puisque le livre n’est point encore publié) : mais, pour leur malheur, ils citent à faux ; ils indiquent comme des fautes de véritables beautés et des locutions particulières à Diderot, locutions qui se retrouvent dans tous ses autres ouvrages.

Si je faisais aussi des citations, pour indiquer toutes les fautes du traducteur de l’ouvrage de Diderot dont je vais publier l’original sous huit jours, il me faudrait citer le volume entier. Que M. Saur m’explique, par exemple, ce que c’est que cette Théologie de Roch dont il a parlé à la page 78 de son livre, et qui remplace si sottement la Théologie en quenouille, comédie du P. Bougeant, qui a fourni à Palissot l’idée de sa comédie des Philosophes ?

Malgré ses attaques imprudentes, M. Saur ne saurait m’atteindre sur le terrain ferme où je suis placé ; le procès malheureux dans lequel M. de Marchangy l’a caractérisé d’un seul trait, le 7 août 1816 (voyez le Moniteur du 9), a émoussé d’avance tous les traits de la calomnie qu’il pourra lancer désormais.

J’aurai quelque jour un mot à ajouter pour prouver la fausseté de la dénonciation de M. Saur ; mais ce mot sera pour lui un coup de foudre.

Brière,
Éditeur des Œuvres de Diderot.


Le coup de foudre ne se fît pas attendre, et le 29 octobre 1823 la Pandore, le 3 novembre le Corsaire, le 8 novembre la Bibliographie de la France, inséraient la lettre de Gœthe que nous avons publiée plus haut ; après quoi M. le maître des requêtes put continuer son petit commerce de traductions, mais sans grand succès.

Depuis ce temps, le texte de l’édition Brière a servi aux diverses réimpressions qui ont été faites du Neveu de Rameau. Nous dirons tout à l’heure pourquoi nous ne l’avons pas suivi.

En attendant, retournons encore auprès de Goethe et de Schiller ; c’est une assez bonne compagnie pour que nous écoutions ce qu’ils se disent à propos du sujet qui nous occupe.

C’est en décembre 1804 que Schiller communique à Goethe le manuscrit de Diderot ; le 21 décembre, Goethe lui répond[1] :

  1. Nous empruntons ces lettres à la Correspondance entre Goethe et Schiller, traduction de Mme la baronne de Carlowitz, revisée, annotée et commentée par M. Saint-René Taillandier. Paris, Charpentier, 1863.