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SUR L’INCONSÉQUENCE
DU
JUGEMENT PUBLIC
DE
NOS ACTIONS PARTICULIÈRES[1]




Rentrons-nous ?

— C’est de bonne heure.

— Voyez-vous ces nuées ?

— Ne craignez rien ; elles disparaîtront d’elles-mêmes, et sans le secours de la moindre haleine de vent.

— Vous croyez ?

— J’en ai souvent fait l’observation en été, dans les temps chauds. La partie basse de l’atmosphère, que la pluie a dégagée de son humidité, va reprendre une portion de la vapeur épaisse qui forme le voile obscur qui vous dérobe le ciel. La masse de cette vapeur se distribuera à peu près également dans toute la masse de l’air ; et, par cette exacte distribution ou combinaison, comme il vous plaira de dire, l’atmosphère deviendra transparente et lucide. C’est une opération de nos laboratoires, qui s’exécute en grand au-dessus de nos têtes. Dans quelques heures, des points azurés commenceront à percer à travers les nuages raréfiés ; les nuages se raréfieront de plus en plus ; les points azurés se multiplieront et s’étendront ; bientôt vous ne saurez ce que sera devenu le crêpe noir qui vous effrayait ; et vous serez surpris et récréé de la limpidité de l’air, de la pureté du ciel, et de la beauté du jour.

— Mais cela est vrai ; car tandis que vous parliez, je regardais, et le phénomène semblait s’exécuter à vos ordres.

  1. Nous ne savons si c’est Naigeon qui a donné ce titre à ce morceau, qu’il a été le premier à publier. Une copie que nous en possédons porte simplement celui-ci : Madame de La Carlière, conte. Cette copie nous a fourni quelques corrections.