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MOI.

Non.

MON PÈRE.

Cela est bien court. Va ton chemin.

MOI.

Vous me l’ordonnez ?

MON PÈRE.

Sans doute.

MOI.

Sans ménagement ?

MON PÈRE.

Sans doute.

MOI.

Non, certes, lui répondis-je avec chaleur, je ne suis pas de cet avis. Je pense, moi, que, si vous avez jamais fait une mauvaise action dans votre vie, c’est celle-là ; et que si vous vous fussiez cru obligé à restitution envers le légataire après avoir déchiré le testament, vous l’êtes bien davantage envers les héritiers pour y avoir manqué.

MON PÈRE.

Il faut que je l’avoue, cette action m’est toujours restée sur le cœur ; mais le père Bouin !…

MOI.

Votre père Bouin, avec toute sa réputation de science et de sainteté, n’était qu’un mauvais raisonneur, un bigot à tête rétrécie.

MA SŒUR, à voix basse

Est-ce que ton projet est de nous ruiner ?

MON PÈRE.

Paix ! paix ! laisse là le père Bouin ; et dis-nous tes raisons, sans injurier personne.

MOI.

Mes raisons ? Elles sont simples ; et les voici. Ou le testateur a voulu supprimer l’acte qu’il avait fait dans la dureté de son cœur, comme tout concourait à le démontrer ; et vous avez annulé sa résipiscence : ou il a voulu que cet acte atroce eût son effet : et vous vous êtes associé à son injustice.

MON PÈRE.

À son injustice ? C’est bientôt dit.