reprit : « Ah ! oui, la charbonnière… Et vous ?… » La femme Olivier se tut. Alors il se mit à pleurer, il se tourna du côté de la muraille, et dit en sanglotant : « Je suis chez Olivier… ce lit est celui d’Olivier… et cette femme qui est là, c’était la sienne ! Ah ! »
« Ces deux femmes en eurent tant de soin, elles lui inspirèrent tant de pitié, elles le prièrent si instamment de vivre, elles lui remontrèrent d’une manière si touchante qu’il était leur unique ressource, qu’il se laissa persuader.
« Pendant tout le temps qu’il resta dans cette maison, il ne se coucha plus. Il sortait la nuit, il errait dans les champs, il se roulait sur la terre, il appelait Olivier ; une des femmes le suivait et le ramenait au point du jour.
« Plusieurs personnes le savaient dans la maison d’Olivier ; et parmi ces personnes il y en avait de malintentionnées. Les deux veuves l’avertirent du péril qu’il courait : c’était une après-midi, il était assis sur un banc, son sabre sur ses genoux, les coudes appuyés sur une table et ses deux poings sur ses deux yeux. D’abord il ne répondit rien. La femme Olivier avait un garçon de dix-sept à dix-huit ans, la charbonnière une fille de quinze. Tout à coup il dit à la charbonnière : « La charbonnière, va chercher ta fille et amène-la ici… » Il avait quelques fauchées de prés, il les vendit. La charbonnière revint avec sa fille, le fils d’Olivier l’épousa : Félix leur donna l’argent de ses prés, les embrassa, leur demanda pardon en pleurant ; et ils allèrent s’établir dans la cabane où ils sont encore et où ils servent de père et de mère aux autres enfants. Les deux veuves demeurèrent ensemble ; et les enfants d’Olivier eurent un père et deux mères.
« Il y a à peu près un an et demi que la charbonnière est morte ; la femme d’Olivier la pleure encore tous les jours.
« Un soir qu’elles épiaient Félix (car il y en avait une des deux qui le gardait toujours à vue), elles le virent qui fondait en larmes ; il tournait en silence ses bras vers la porte qui le séparait d’elles, et il se remettait ensuite à faire son sac. Elles ne lui dirent rien, car elles comprenaient de reste combien son départ était nécessaire. Ils soupèrent tous les trois sans parler. La nuit, il se leva ; les femmes ne dormaient point : il s’avança