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ches des arbres sont frappées violemment les nues contre les autres ; les feuilles s’en séparent ; la terre en est couverte ; le pauvre vient en ramasser sa provision contre le froid qui s’approche ; le reste, entraîné par les pluies, est conduit dans les rivières dont la surface en est couverte, et qui les portent au sein des mers.

Au milieu de cette mélancolie générale que le poëte partage, il se rappelle ses amis, les personnes qui lui furent chères, et que la mort lui a ravies ; il donne des louanges à leur mémoire et des pleurs à leurs cendres. Il plaint le vieillard, que le triste bienfait des longues années condamne à rester seul.


Il voit autour de lui tout périr, tout changer ;
À la race nouvelle il se trouve étranger ;
Et lorsqu’à ses regards la lumière est ravie,
Il n’a plus, en mourant, à perdre que la vie.


Le chant est terminé par l’entretien d’un jeune berger et d’une jeune bergère qui se promettent une constance éternelle, au milieu des vicissitudes de la nature dont le spectacle les effrayait sur l’avenir. Le poëte se prépare ensuite au retour à la ville, et fait l’éloge de l’amitié dont il va goûter les douceurs, en dédommagement des plaisirs champêtres que l’hiver lui enlève.

Il y a dix endroits dans ce chant que les lecteurs du goût le plus difficile peuvent lire et relire avec plaisir, et partout de très-beaux vers parsemés ; en un mot, les mêmes beautés et les mêmes défauts que dans les chants précédents.

Ah ! mon ami, avec un ton un peu plus varié, une petite pointe de verve, plus de rapidité, moins de longueurs, plus de détails piquants, moins d’expressions parasites, que cela ne serait-il pas devenu ! Mais en laissant ce poëme tel qu’il est, soyez sûr qu’il y a beaucoup de mérite à l’avoir fait, et que ce n’est pas l’ouvrage d’un enfant. [Au reste, si l’on peut être un plus grand poëte que M. de Saint-Lambert, on n’est pas un plus honnête homme. Il n’y a personne qui ne voulût l’avoir pour ami. J’aimerais donc mieux être l’auteur de son chant le plus faible que de la plus belle satire. Il était aimé, estimé de tous ceux qui le connaissaient, et l’est à présent de tous