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obscurs, les mauvaises expressions, les vers superflus, les tours prosaïques, en un mot, toutes les guenilles dont le chiffonnier Fréron remplira ses feuilles ; mais le dégoût de cette critique, joint à la multitude de ces sortes de fautes, m’a fait abandonner cette tâche que je reprendrai volontiers avec l’auteur, s’il persiste à vouloir que je lui parle sincèrement, et qu’après avoir dit aux autres de son ouvrage tout le bien que j’en pensais, j’aille lui confier à lui tout le mal que j’en sais.

Le poëte s’adresse, en commençant, à l’agriculteur, à la terre et à l’automne ; il ébauche le tableau des présents et des plaisirs que la saison promet. Il appelle à la campagne les ministres des lois et la jeunesse des villes. Il peint un magistrat libre de ses fonctions et consacrant son loisir champêtre à la réforme de notre code. Il voit les premiers phénomènes de l’automne au ciel, sur la terre, dans les nuages, sur la verdure, sur les arbres, sur les oiseaux, sur les animaux. Il invite les hommes à la chasse ; il décrit en chasseur celle du chien couchant.


J’avance, l’oiseau part ; le plomb, que l’œil conduit,
Le frappe dans les airs au moment qu’il s’enfuit ;
Il tourne, en expirant, sur ses ailes tremblantes ;
Et le chaume est jonché de ses plumes sanglantes.


Cela est vrai : j’ai aussi tué des perdrix ; et je reconnais très-bien ce tournoiement sur lui-même de l’oiseau blessé.

À la description de la chasse succède celle de la pêche, la pipée, la poursuite des grandes bêtes. Il exhorte le militaire à ce dernier exercice ; il l’irrite contre le loup ennemi des troupeaux, contre le sanglier destructeur des moissons. Il s’indigne contre les fainéants des cités ; il s’épuise sur l’utile et douce obscurité de la vie des champs. Il s’écrie :


Heureux qui, sans pouvoir, au sein de sa patrie,
En enrichit la terre, en respecte les lois,
Et dérobant sa tête au fardeau des emplois,
Aimé dans son domaine, inconnu de ses maîtres,
Se plaît dans le séjour qu’ont chéri ses ancêtres !
De l’amour des honneurs il n’est point dévoré ;
Sans craindre le grand jour, content d’être ignoré,
Aux vains dieux du public il laisse leurs statues,
Par l’envie et le temps si souvent abattues.