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derniers morceaux sont très-faibles. Il est meilleur, lorsqu’il déplore le sort de l’agriculteur ; cependant l’endroit ne répond pas au début.


Ô mon concitoyen, mon compagnon, mon frère !


Mais cela est singulier, il y a pourtant tout ce qu’il fallait pour l’effet : des mœurs innocentes, des pères, des mères, des enfants, des repas charmants, et l’effet n’y est pas.


. . . . . . . . . .Læva in parte mamillæ,
Nil salit…

Juv. Sat. vii, v. 159 et seq.


Mais voilà l’été dans sa force. Le lit des fleuves se resserre, les fontaines sont desséchées, le grain se détache de l’épi, la chaleur accable l’homme et les animaux ; et le poëte haletant s’écrie :


Ah ! que ne puis-je errer dans ces sentiers profonds
Où j’ai vu des torrents tomber du haut des monts !


Certes cet écart est sublime ; mais le poëte n’a pas senti qu’il ne fallait s’y livrer qu’un moment. Homme sans vrai goût, que maudite soit ta fécondité !

Nous voilà dans les monts abyssins, dans les antiques forêts des druides, sous les chênes de Dodone, je ne sais où, au diable, et le sublime aussi. Il eût fallu une verve infernale pour soutenir ce morceau aussi longtemps ; mais il eût été mieux de ne pas le tenter : après une demi-douzaine de vers pleins d’ivresse, il fallait passer brusquement aux travaux champêtres, la tondaison, la fenaison et la moisson.

L’entretien du poëte avec le militaire devenu fermier est froid et long.

L’épisode de la corvée, cet enfant mort de soif, cette mère désespérée, cela est outré : il fallait s’en tenir à dire et à bien dire les choses comme elles sont ; elles sont assez fâcheuses[1].

  1. « À cela, M. de Saint-Lambert répond que le fait qu’il rapporte s’est passé sous ses yeux… Mais il ne devait pas faire d’un fait unique et déplorable le tableau général de la corvée. » (Note de Grimm.) — On voit que Grimm tient à ne pas se brouiller avec les puissances.