Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plu extrêmement, et elle s’est mise tout de suite à l’ouvrage. Dieu veuille qu’elle n’ait pas le temps de l’achever ici ! Un mot, s’il vous plaît, qui défende d’écrire et de trop travailler. J’avais résolu de retourner ce soir à Versailles ; mais j’ai de l’inquiétude : ce commencement de pulsation me chiffonne, et je veux être demain auprès d’elle lorsque son médecin reviendra. J’ai malheureusement quelque foi aux pressentiments des malades ; ils se sentent. Quand je perdis M. Madin, tous les médecins m’assuraient qu’il en reviendrait ; il disait, lui, qu’il n’en reviendrait pas ; et le pauvre homme ne disait que trop vrai. Je resterai, et j’aurai l’honneur de vous écrire : s’il fallait que je la perdisse, je crois que je ne m’en consolerais jamais. Vous seriez trop heureux, vous, monsieur, de ne l’avoir point vue. C’est à présent que les misérables qui l’ont déterminée à s’enfuir sentent la perte qu’elles ont faite ; mais il est trop tard.

J’ai l’honneur d’être avec des sentiments de respect et de reconnaissance pour elle et pour moi, monsieur, votre très-humble et très-obéissante servante,

Signé : Moreau-Madin.
À Paris, ce 13 avril 1760.


RÉPONSE
de m. le marquis de croismare à madame madin.


Je partage, madame, avec une vraie sensibilité, votre inquiétude sur la maladie de Mlle  Simonin. Son état infortuné m’avait toujours infiniment touché ; mais le détail que vous avez eu la bonté de me faire de ses qualités et de ses sentiments, me prévient tellement en sa faveur, qu’il me serait impossible de n’y pas prendre le plus vif intérêt : ainsi, loin que je puisse changer de sentiments à son égard, chargez-vous, je vous prie, de lui répéter ceux que je vous ai marqués par mes lettres, et qui ne souffriront aucune altération. J’ai cru qu’il était prudent de ne lui point écrire, afin de lui ôter toute occasion de s’occuper à faire une réponse. Il n’est pas douteux que tout genre d’occupation lui est préjudiciable dans son état d’infirmité ; et si j’avais quelque pouvoir