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LETTRE
ostensible de madame madin, telle que m. le marquis de croismare l’avait demandé.


Monsieur, la personne que je vous propose s’appellera Suzanne Simonin. Je l’aime comme si c’était mon enfant : cependant vous pouvez prendre à la lettre ce que je vais vous dire, parce qu’il n’est pas dans mon caractère d’exagérer. Elle est orpheline de père et de mère ; elle est bien née, et son éducation n’a pas été négligée. Elle s’entend à tous les petits ouvrages qu’on apprend quand on est adroite et qu’on aime à s’occuper ; elle parle peu, mais assez bien ; elle écrit naturellement. Si la personne à qui vous la destinez voulait se faire lire, elle lit à merveille. Elle n’est ni grande ni petite. Sa taille est fort bien ; pour sa physionomie, je n’en ai guère vu de plus intéressante. On la trouvera peut-être un peu jeune, car je lui crois à peine dix-neuf ans accomplis ; mais si l’expérience de l’âge lui manque, elle est remplacée de reste par celle du malheur. Elle a beaucoup de retenue et un jugement peu commun. Je réponds de l’innocence de ses mœurs. Elle est pieuse, mais point bigote. Elle a l’esprit naïf, une gaieté douce, jamais d’humeur. J’ai deux filles ; si des circonstances particulières n’empêchaient pas Mlle Simonin de se fixer à Paris, je ne leur chercherais pas d’autre gouvernante ; je n’espère pas rencontrer aussi bien. Je la connais depuis son enfance, et elle a toujours vécu sous mes yeux. Elle partira d’ici bien nippée. Je me chargerai des petits frais de son voyage et même de ceux de son retour, s’il arrive qu’on me la renvoie : c’est la moindre chose que je puisse faire pour elle. Elle n’est jamais sortie de Paris ; elle ne sait où elle va ; elle se croit perdue : j’ai toute la peine du monde à la rassurer. Un mot de vous, monsieur, sur la personne à laquelle elle doit appartenir, la maison qu’elle habitera, et les devoirs qu’elle aura à remplir, fera plus sur son esprit que tous mes discours. Ne serait-ce point trop exiger de votre complaisance que de vous le demander ? Toute sa