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VERS

ENVOYÉS AU NOM D'UNE FEMME, À UN FRANÇOIS

LE JOUR DE SA FÊTE

        Votre patron, si fêté, si connu
                Dans les annales de l’Église,
                Se macérait, allait pied nu ;
        S’imaginant par dévote bêtise,
        Qu’il n’en serait là-haut que mieux venu
En partant d’ici-bas sans chausson ni chemise.
        Si l’on en croit le pieux forcené,
                C’est en vain qu’il fut ordonné,
        Par un décret de nature indulgente,
Que le lot ambigu qui nous est destiné,
Toujours de quelque bien serait assaisonné ;
Il faut des doux plaisirs que le sort nous présente
Repousser loin de soi le vase empoisonné ;
        Se bien haïr, vivre bien misérable,
                Et se donner cent fois au diable,
                De peur d’être une fois damné.
Fouler la rose aux pieds, se rouler sur l’épine
Qui dans nos tristes champs n’a que trop foisonné,
Est le moyen prescrit en sa belle doctrine
Pour obtenir des cieux l’asile fortuné.
        Au jugement de l’encapuchonné,
                Creuser ses yeux, se rendre étique,
                Se fesser comme une bourrique,


1. Publié pour la première fois dans l’édition Belin des Oeuvres de Diderot, Supplément, 1819.